Brunehaut et la faide royale

La gazette des GCF

Faid‘hiver : la vérité sur Brunehaut, régicide en série ou innocente vengeresse ?

 

faide-1  Supplice de Brunehaut, Toulouse Ms. 0512, Fol 52V

« Clotaire, devant qui Brunehaut fut présentée et qui nourrissait une vive haine à son égard, lui impute le meurtre de dix rois francs […]. Après lui avoir infligé, pendant trois jours, divers tourments, il ordonne qu’on la conduise à travers toute l’armée juchée sur un chameau, puis qu’on l’attache par les cheveux, un pied et un bras à la queue d’un cheval particulièrement fougueux. Là, elle a les membres désarticulés par ses coups de sabots et par la rapidité de sa course. »

 

C’est ainsi que notre reporter Frédégaire, dans ses Chroniques narre la triste fin de cette vieille reine d’Austrasie. Mais pourquoi cet infâme supplice ? Comment Brunehaut, de la « jeune fille de manières élégantes, belle de figure, honnête et décente dans ses mœurs, de bon conseil et d’agréable conversation » (Grégoire de Tours), est-elle devenue une « femme plus cruelle que nulle beste sauvage » (GCF) ?

 

RETOUR SUR L’ENQUÊTE

Nous sommes en 567 et le regnum francorum est alors divisé entre trois petits-fils de Clovis : Sigebert roi d’Austrasie (Rhin, Aquitaine et Champagne), Chilpéric roi de Neustrie (Belgique Seconde, Maine, Normandie et Ile de France) et Gontran roi de Burgondie (Centre, Bourgogne et Orléanais).

Sigebert, songeant à conclure une alliance prestigieuse, dépêche alors un messager demander à Athanagil, le roi des Wisigoths, la main de la princesse Brunehaut réputée fort belle. Le roi des Wisigoths accepte et dote sa fille de nombreux trésors, offrant à son futur gendre « grand plenté de joyaux et de richesses » (GCF). Le mariage donna lieu à de nombreuses festivités. La jeune fille dut abjurer l’arianisme et reçut l’onction du saint chrême. Conformément à la coutume franque, son mari lui offre au petit jour un «morgengabe », don du matin, prix de sa virginité.

 

faide-2Mariage de Sigebert et Brunehaut, Ms Royal 16 G VI   f. 42v

         Jaloux d’une alliance aussi prestigieuse selon Grégoire de Tours, le frère de Sigebert, Chilpéric, envoya aussi un messager pour obtenir une autre fille d’Athanagil en mariage, son ainée, Galswinthe. Il promit qu’il « guerpiroit toute compagnie de femme » autre que sa nouvelle épouse et lui donna en cadeau un morgengabe très important composé des cités de Bordeaux, Limoges, Cahors, le Béarn et la Bigorre. Mais Chilpéric continua malgré tout à fréquenter une de ses concubines, la terrible Frédégonde. Celle-ci « se monstra si grant orgueil et si grant outrecuidance » que Galswinthe se sentie outragée et se plaignit à son époux. Chilpéric, selon Grégoire de Tours, chercha à l’apaiser « par des blandes paroles ». Puis, entrainé par la « si grant forsenerie » de Frédégonde, il profita du sommeil de son épouse pour l’étrangler ! « Grande cruauté et grande félonie fit, si grant que l’on avoit oncque ouy parler de tiran qui s’y grant l’eust faite »  ! Puis après avoir commis ce forfait, il épousa sa maitresse Frédégonde et en fit la reine officielle. Le roi Athanagil étant mort sans héritier un peu avant, personne- pensait Chilpéric – ne pourrait venger cette mort. C’était sans compter Brunehaut, bien décidée à faire payer la mort de sa sœur ainée et Sigebert qui y trouva une occasion de chercher querelle à son frère !

 

faide-3Chilpéric étranglant Galswinthe, Fol 36  Ms Sainte Geneviève 792, GCF

 

 

Dans un premier temps on tenta de composer sous l’autorité de Gontran roi des Burgondes et Chilpéric fut contraint de verser le Morgengabe de Galswinthe à Brunehaut. Mais cela ne mit pas fin au conflit dans lequel Gontran eut la prudence de se mettre à l’écart. En 575 Sigebert entre dans le royaume de son frère qui se réfugie à Tournai. Voyant son époux en difficulté, Frédégonde, « selon la coustume de femme qui moult plus est de grant engien à mal faire que n’est homme », « enchanta » deux hommes armés de scramasaxes qui allèrent assassiner Sigebert.

 

faide-4Assassinat de Sigebert, Lyon 880-GC fol 88

             Aussitôt Chilpéric retrouve ses pouvoirs car les seigneurs de son frère ne sont pas disposés à prendre pour roi le fils de Sigebert et de Brunehaut, Childebert II qui est encore un enfant. Brunehaut est envoyée dans un monastère à Rouen d’où elle s’enfuit avec l’aide d’Audovère, la première épouse répudiée de Chilpéric ! Elle épouse alors Mérovée, fils de Chilpéric et d’Audovère qui espérait ainsi devenir roi ce que la descendance de Frédégonde l’empêchait de devenir. La réaction de Chilpéric ne se fit pas attendre ! Il condamna l’Evêque Prétextat qui avait célébré l’union et fit tonsurer Mérovée « par le conseil Frédégonde sa marastre ».

Brunehaut rejoignit l’Austrasie, où les grands aristocrates avaient reconnu son fils Childebert II comme roi. Gontran, roi de Burgondie manda alors celui-ci à sa cour, et n’ayant pas d’enfant, le désigne en échange d’une « telle affection comme il doit avoir entre père et fils » comme son héritier.

En Neustrie, soupçonnée d’adultère, Frédégonde qui « en tricherie ni en malice n’avoit son pareil fors Brunehaut tant seulement » organise le meurtre de son royal mari Chilpéric lors d’une partie de chasse où ses serviteurs « le ferirent de coutiaus parmi le cors et l’occirent ». Frédégonde donne naissance à un fils posthume, Clotaire II, s’installe sur le trône en régente et demande au roi Gontran de prendre sous sa garde la femme et le fils de son défunt frère. Les Grands reconnurent le fils de Frédégonde, Clotaire II, comme roi pour éviter que la Neustrie ne tombe sous la dépendance du roi d’Austrasie.

Gontran devint une sorte de père adoptif de ses deux neveux Clotaire et Childebert. C’est autour de lui que se reconstitue l’unité du Regnum Francorum alors que les deux reines tentent d’exciter leurs partisans contre ceux de l’autre. Pour pacifier la situation, on signa le traité d’Andelot qui restitua la dot de Galeswinthe à Brunehaut mais en donne en réalité l’administration à Gontran. En vertu de ce traité Childebert devient aussi l’héritier de Gontran, donc à sa mort la Burgondie et l’Austrasie n’ont plus qu’un seul roi.

 

faide-5Assassinat de Chilpéric BNF Ms. Fr 10135, fol 55V

 

Frédégonde chercha alors à atteindre sa rivale, jalouse « que Brunehaut estoit plus puissante et plus honorée » ce qui la laissait « ainsi degétée et abaissée de la hautesse et de l’honneur en quoi elle souloit estre ». Elle envoya donc un homme, nommé Holérique, assassiner Brunehaut. Mais celui-ci s’y prit fort mal : ses flatteries trop nombreuses à l’égard de la reine d’Austrasie attirèrent l’attention. On le bat, le torture, il avoue. Renvoyé à Frédégonde, il lui raconte ses mésaventures, mais la reine peu clémente « lui fist couper les piés et les mains, en guerredon de son service ».

Après trente-trois ans de règne, le roi Gontran trépassa, laissant son trône de Burgondie à son neveu Childebert II déjà roi d’Austrasie, ce qui permet à Brunehaut de dominer la politique des royaumes. Brunehaut cherche alors à réformer les institutions pour diminuer l’influence des grands seigneurs et accroitre le pouvoir royal, ce qui ne la rendit guère populaire auprès de ces derniers.

Childebert II entreprit de venger la mort de son père qui avait été assassiné sur l’ordre de Frédégonde. Mais ses armées ne purent vaincre celle des barons de Frédégonde. Childebert mourut peu de temps après dans sa vingt-cinquième année, et certains dirent qu’il fut empoisonné. Il laissa deux fils très jeunes qui se répartirent les deux royaumes sous la garde de Brunehaut instituée régente : Théodebert, l’ainé, obtint Austrasie et son frère Théoderic, la Burgondie.

Dans la treizième année du règne de Théoderic et de Theodebert, un étrange personnage fit son apparition à la cour de Brunehaut : il s’agissait de Colomban, un moine irlandais qui ne se laissa guère impressionner par l’autorité de la reine. En effet il lui reprocha sa vie d’ « ordure de luxure » au point qu’elle en conçut « grant ire et grant indignation contre lui ». Dès lors, « le cuer de la desloiale Brunehaut norri et endurci en sa malice » l’exila d’abord dans un « chastel bien loin de son pais » puis le força à prendre la mer en lui interdisant de revenir dans le Regnum Francorum.

Frédégonde et ses leudes lancèrent une offensive et prirent le contrôle de Paris, infligeant une cuisante défaite à l’armée Austrasienne : « grief bataille y eut et longue ; les gens de Frédégonde firent grant occision de leurs ennemis ». Mais cette victoire fut fragilisée par la mort de la terrible reine Frédégonde qui trépassa en 597, renversant la situation. Deux ans plus tard, les jeunes Théoderic et Théodebert, réunissent leurs leudes et marchent contre leur cousin Clotaire II qui est battu à Dormelles près de Montereau. Le jeune roi de Neustrie se voit alors réduit à un territoire limité entre Seine- Oise et Somme.

 

faide-6Bataille de Dormelles Royal 16 G VI f. 80v

 

Brunehaut qui entretient la haine et les guerres entre les deux lignées tente elle-même de régner à la place de ses petits-fils, ce qui n’est nullement apprécié par l’aristocratie locale. En Austrasie près de Théodebert, elle est d’abord chassée par les grands et se réfugie chez Theoderic, son second petit-fils, roi de Burgondie. Là elle tente d’imposer un de ses fidèles, Protadius, comme maire du palais. Puis, furieuse d’avoir été bannie par les Austrasiens, elle « se pourpensa en quelle manière elle se pourroit vengier » et fit croire à Theoderic que son frère n’était pas le fils de Childebert II, mais le fruit d’un adultère. Theodebert, affirma Brunehaut, « estoit fils d’un coutillier », et n’ayant « oncques esté engendré du roy Childebert », il ne « devoit par droit estre son heritier ». Aidé par Protadius, Brunehaut convainquit ainsi son petit-fils Theoderic de partir en guerre contre son frère.

Cela ne se fit pas sans remous : les seigneurs et barons burgondes, voyant le roi refuser leurs conseils, quittèrent l’ost et assassinèrent avant leur départ Protadius. L’armée de Théoderic s’en trouva bien réduite et essuya une défaite face à son frère. Théodebert alors s’empara de l’Alsace et de la Champagne en 610 et conclut un traité de paix. Mais deux ans après, Théoderic reprit l’offensive, réussit à s’emparer de son frère qu’il enferma dans un monastère où il mourut très vite. Brunehaut, quant à elle, se chargea de ses petits neveux, fils de Theodebert et « les occis tout maintenant », sans aucune pitié. Pour Mérovée, le plus jeune d’entre eux qui venait de naitre et « estoit encore en aube », « elle lui fit la cervele voler ».

Seule leur sœur « qui moult estoit bele » eut la vie sauve et sa beauté ne laissa pas indifférent son oncle le roi Theoderic devant qui elle fut emmenée. Theoderic envisagea en effet d’épouser sa nièce dont il avait fait tuer le père. Cette décision ne plut guère à Brunehaut et une querelle entre la vieille reine et son petit-fils s’ensuivit. Emporté dans son courroux, Theoderic « tira l’espée et lui courut sus pour lui occire ». Mais les seigneurs de l’assistance retinrent son bras et l’emportèrent dans une autre salle. Brunehaut, pour « vengier cette honte » et assurer sa sécurité, empoisonna alors le roi son petit-fils par l’intermédiaire de serviteurs corrompus.

Brunehaut voulut alors élever à la royauté l’aîné de ses arrière-petit-fils, Sigebert « qui bastard estoit ». Mais les grands d’Austrasie sachant que Brunehaut « femme mauldite entre toutes les autres femmes » ne souhaitait le voir roi que pour « qu’elle fust par-dessus pour le royaume gouverner », la trahirent et la livrèrent avec ses arrière-petits-fils à Clotaire II. Le roi de Neustrie, fils de Chilpéric et de Frédégonde, condamna la vieille reine de plus de soixante ans à l’infâme supplice dont la mise en scène violente met fin par « la plus crueuse mort que l’on pourroit penser » au long conflit de la faide royale.

 

faide-7Brunehaut amenée devant Clotaire II, fol. 61R, BNF Ms fr 2606, GCF

 

 

Bibliographie :

  • Chronique de Frédégaire, IV,42.
  • Les Grandes Chroniques de France et leurs enluminures
  • Decem libros historiarum de Gregoire de Tours

Nouvelles du front 2: de nouvelles images

Décidément, la BnF est un monde formidable où s’applique la fameuse règle: « quand y en a plus, y en a encore » !

C’est en effet tout à fait par hasard que le moteur de recherche malicieux du site du département des Archives et manuscrits m’a averti de l’acquisition toute récente par ladite institution d’un manuscrit jusque là inaccessible, connu comme le « SMAF 81-83 » (ou « SAMF, ex ‘Bute' » pour les plus audacieux), et désormais baptisé du doux nom de « NAF 28867″… Vous l’aurez tout de suite compris, SMAF pour « Société des manuscrits des assureurs français », l’ancien propriétaire du manuscrit qui l’avait mis en dépôt à la BnF, et NAF pour « Nouvelles acquisitions françaises »…

Mais heureusement pour nous, la BnF, très fière de son acquisition, ne s’est pas contentée de changer la cote du manuscrit mais l’a aussi numérisé (en couleurs) et mis en ligne, ce qui nous rajoute de superbes images à commenter. Et pour votre plus grand bonheur, vous compterez sans doute parmi les premiers à les voir !

Nouvelles du front: de nouvelles images

Bonjour à tous,

voici quelques nouvelles concrètes de l’avancée du projet (non exhaustives, je vous rassure). Comme vous le savez, depuis le colloque de l’année dernière, nous reprenons le travail déjà fait: c’est une bonne occasion de reprendre des choses qui n’avaient pas forcément été faites jusqu’au bout, notamment à cause du travail exigé par la préparation du concours.

Et pour mon plus grand bonheur, alors que je vadrouillais sur Gallica (notre meilleure amie à tous, contrairement aux microfilms), je suis tombée sur ce que je croyais n’avoir jamais existé: la version numérique du BnF Ms fr. 2616-20.

Dans notre jargon, ça veut dire que c’est un manuscrit français conservé dans le fonds anciens de la Bibliothèque nationale de France sous les cotes 2616, 2617, 2618, 2619 et 2620. Cette particularité le rend quelque peu difficile à appréhender, car il s’agit bien d’une seule œuvre, mais divisée en cinq volumes, qui ont donc chacun une cote distincte:  logique. Et encore, on a de la chance: les cinq cotes se suivent… Enfin bref, revenons à nos moutons, car ce n’est pas pour ça que nous n’avions pas les images: en fait, pour des raisons d’organisation interne, son étude a été repoussée puis réalisée dans l’urgence à partir de l’ouvrage ô combien utile d’Anne D. Hedeman (The Royal Image: Illustrations Of The Grandes Chroniques De France, 1274-1422, California Studies In The History Of Art), c’est-à-dire qu’on savait quelles enluminures le manuscrit comportait mais qu’on n’avait pas pu les voir et donc les commenter.

Heureusement, tout est bien qui finit bien puisque nous allons pouvoir prendre soin, dès maintenant, de ce pauvre manuscrit que nous avions laissé en déshérence, et vous aurez dans la publication des détails les concernant qui ne figuraient pas dans notre présentation lors du colloque.

Pharamond porté sur le pavois par les guerriers francs

De Francion à Pharamond

   Au Moyen Âge s’est développée l’idée que les Francs avaient, tout comme les romains de l’Antiquité, des origines mythiques. De là l’idée que les Francs descendent des troyens, développée avec plusieurs variantes.

La plus ancienne, qui remonte au VII° siècle, implique un certain Francion, neveu d’Énée, qui aurait vaincu les Alains à la demande de Valentinien (donc au IV° siècle après Jésus-Christ) et fondé le peuple des Francs. « Franc » voudrait donc dire « féroce ».

Un siècle plus tard, vers 727, une autre variante fait intervenir Anténor, un puissant troyen qui trahit le roi Priam, s’enfuit, fonde Venise puis fonde Sycambria avec Priam le Jeune au XII° siècle avant Jésus-Christ. Les sycambriens auraient ensuite prospéré, jusqu’au IV° siècle après Jésus-Christ où Valentinien aurait tenté de les soumettre à l’impôt. Ils auraient alors refusé et obtenu une exemption d’impôt pendant dix ans en se battant contre les Alains. À l’expiration de l’exemption, ces Francs (cette fois appelés ainsi parce que « libres d’impôt ») auraient de nouveau migré, cette fois en traversant le Rhin, sous la houlette de Marcomir, fils de Priam, et Sunno, fils d’Anténor. À leur mort, les Francs auraient choisi un unique roi, Pharamond, fils de Sunno. Ce Pharamond aurait eu un fils, Clodion le Chevelu, qui aurait donné naissance à Mérovée, lui-même père supposé de Childéric 1er, père de Clovis. Aujourd’hui, les historiens sont quasiment sûrs que Pharamond n’a jamais existé, et ont de sérieux doutes, sinon sur l’existence, du moins sur les liens génétiques de Clodion et Mérovée. Mais je m’égare, revenons à nos moutons.

   Vous l’aurez compris, cette histoire a du mal à tenir la route, car plus d’un millénaire sépare la fondation de Sycambria et la bataille contre les Alains qui donnent leur nom aux Francs, alors que les auteurs ne parlent que de quelques générations de princes…

   Pour remédier au problème, auXII°-XIII° siècle, Rigord, le célèbre biographe de Philippe Auguste, invente le personnage du duc Ybor, qui serait parti de Sycambria et aurait fondé Paris au IX° siècle avant Jésus-Christ. À partir de là, se développe l’idée d’une fusion précoce entre les sycambriens et les gaulois dont parlent les textes latins, et pour conserver le mythe, on attribue aux gaulois les mêmes origines troyennes que les Francs. Mais la chronologie continue de poser problème, et les humanistes finissent par remettre en cause le mythe tout entier en montrant que les peuples barbares sont bien plus récents.Cela n’empêche cependant pas Ronsard de se prendre pour le Virgile national avec sa Franciade.

   En fait, le mythe des origines troyennes a surtout un intérêt politique: se réclamer d’ancêtres troyens, c’est garantir l’ancienneté, l’unité et le prestige de la nation par rapport aux autres pays. C’est d’ailleurs ce qui rend la figure de Francion un peu problématique à partir du XIII° siècle, quand il n’est plus présenté comme le neveu d’Énée mais comme le fils d’Hector, et donc apparenté à Turcus (ancêtre éponyme des Turcs) et Brutus (ancêtre éponyme des Anglais). Plus concrètement, le mythe troyen est utilisé pour prouver les droits des Francs sur une partie de l’ancien Empire romain ainsi que l’indépendance du royaume par rapport à la papauté et au Saint-Empire, pour dénigrer les Anglais (on développe l’idée que les Troyens bretons auraient été exterminés par les Saxons et que les survivants se seraient repliés sur la petite Bretagne) et pour justifier les croisades. Il justifie même le fait que le roi doive obtenir l’accord de ses sujets pour lever des impôts sur tout le royaume, car les Francs sont par définition libres de tribut.

    Et les GCF dans tout ça ? Eh bien, elles consacrent leur premier chapitre aux origines troyennes des Francs, en insistant beaucoup sur le combat des Francs contre les Alains. Mais si le texte ne change pas beaucoup, les enluminures elles sont assez variées et mettent l’accent sur des évènements différents (les combats entre Grecs et Troyens, la fuite de Troie, la fondation de Sycambria, les affrontements entre Francs et Alains ou entre Francs et Romains…), comme vous le verrez.

Pour plus d’informations sur ce mythe, voir Colette Beaune, Naissance de la nation France, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », Paris, 1985. Vous pouvez aussi essayer la page facebook « le mythe troyen français » … si vous n’avez pas froid aux yeux 🙂